Marc Sympa s'est fait des amis, depuis qu'il a écrit à la
ministre et à Libération. Il a reçu il y a quelques jours ce texte de sa
collègue Marta Savapétay.
Si les noms ont été
inventés, ce texte est basé exclusivement sur des expériences bien réelles.
De nos jours, dans une
université française ayant conquis son « autonomie » grâce à la LRU et à la loi Fioraso.
Février 2013, 13h04. On frappe à la porte du bureau de Marta
Savapétay, enseignante-chercheuse en
langues et civilisations au département Sciences humaines et sociales de
l’Université de l’Uest. Ce sont Farid et Amélie, étudiants en L3, qui se présentent
à la permanence hebdomadaire que Marta tient.
Farid: « Madame,
on a entendu que le gouvernement ou les facs paieraient une partie de nos trajets
pour qu’on aille faire un master à Villecentrale, la préfecture du département.
Pourquoi il disparaitrait le master d’ici et pourquoi on devrait aller
là-bas ? Nous on peut pas bouger, moi faut que je m’occupe de mes petits
frères après l’école et Amélie en plus du baby-sitting, on compte sur elle chez
elle… »
Amélie enchaîne : « Et puis le train tous les jours, c’est crevant, en plus y a
tout le temps des retards sur cette ligne... 120 km , avec le TER, il y en
a pour plus de 3 heures aller-retour.. »
Marta se lance dans une réponse, elle est mal
à l’aise, elle a participé à la grande
consultation nationale lancée à l’automne dernier, sans trop y croire mais
à vrai dire, elle
ne pensait pas que le ministère irait si loin.
« Simplifier
l’offre des diplômes c’est effectivement la rationnaliser et fermer des
formations. Sincèrement, je suis comme vous, ce n’est pas l’université que je
veux. Vous savez, j’ai mis du temps à faire ma thèse, je travaillais en même
temps et après j’ai attendu trois ans pour avoir mon poste. J’ai galéré comme
vous dites, mais pour moi le jeu en valait la chandelle, parce que j’adore
enseigner.
- Oui,
c’est un trip penser. Lundi dernier, je sais pas si vous vous en êtes rendue
compte, mais pendant 15 minutes, il y avait pas un bruit dans la salle, tout le
monde était scotché à vos paroles. On apprend plein de trucs et puis au fond,
c’est aussi de notre vie que vous parlez, de celle de nos parents…
- Oui,
bon, bon, c’est gentil Amélie, sauf que là, je ne vous cache pas que je suis
inquiète moi aussi, la fac est en train de couler, comme le reste du service
public, externalisé, grignoté par petits bouts par des entreprises privées qui
cherchent le profit et non la satisfaction de la population. »
Marta ne sait pas comment leur dire que la LRU et les
nouveaux habits que lui font revêtir le gouvernement socialiste, cela sera de
gros centres universitaires d’excellence pour les enfants de riches et de profs,
connectés à l’international, et des petites antennes par-ci, par-là, liées au
patronat et aux acteurs régionaux, dont la mission sera d’amener au niveau
Licence mais pas plus haut, les gamins comme eux, des classes populaires. Les titulaires de ces « petites
licences » seront dépendants de l’existence de PME locales… quand il y en
a.
14h35. Amélie et Farid sont
partis, ils vont parler à leurs élus, cinq autres étudiants sont venus voir
Marta pour des histoires de stages, d’incompréhension de certains points des
cours, ou pour des soucis personnels. Marta s’attèle à présent à l’une des missions du métier de
maître de conférences : l’enseignement. Elle doit encore réactualiser son
cours en anglais sur les politiques publiques de sécurité aux Etats-Unis.
Analyser les nouvelles lois, leur contenu et leurs effets et intégrer ces
éléments dans son cours, cela fait partie du job, comme de recevoir les
étudiants.
A nouveau, on toque à
la porte, c’est Eliane Pilié la collègue secrétaire du département qui entre,
un tas de documents à la main.
«Tiens, il faut que tu reprennes ta demande de subvention à
la région pour la sortie sur le terrain avec les étudiants. Tu n’as pas vu
qu’il fallait faire un triple de la partie C du projet, je te l’ai ramenée. Et
j’en profite : c’est vrai, que nous, les personnels techniques BIATSS[1], on va être mis à disposition du regroupement
d’établissements (les communautés d’universités) prévu dans le projet de
loi ? Tu sais comment ça va se passer toi ? Parce qu’à tous les coups,
je vais être envoyée ailleurs sur un autre poste, dans une autre fac ou dans un
ESPE (les
nouveaux IUFM)… et si je suis rattachée à un établissement privé qui entre dans
le regroupement, ils vont me mettre en contrat de droit privé ? Enfin,
peut-être qu’au moins dans le privé ils payent toutes les heures sup’ contrairement
à ici. »
A 52 ans, Eliane entame
sa 22ème année de carrière à
l’université. Catégorie C, elle gagne 1470 euros net.
Marta ne sait pas quoi
lui répondre, elle a la certitude que les modes de management au Royaume-Uni qu’elle
a étudiés durant sa thèse sont en train d’être appliqués à tout le service
public d’aujourd’hui. C’est vrai aussi à l’hôpital, dans les services municipaux, etc.. Pourtant,
il y a eu les drames à France Télécom, à la Poste. Mais ses
collègues refusent de voir que ce sont les mêmes logiques qui pénètrent
l’université. Ils lui disent qu’elle exagère Elle se reprend, face au désarroi
de sa collègue :
« Ben il faut qu’on se mobilise. »
15h02 La réunion « renouvellement
de l’offre de formation » du département Sciences humaines et sociales de
l’Université de l’Uest a déjà commencé.
Ivan Duvand, directeur du département, achève
le point « infos diverses » : « Concernant les problèmes d’impression, on va retirer les
imprimantes de chaque bureau et les remplacer par deux imprimantes collectives.
C’est écolo et économique ! Ceux d’entre vous qui ne peuvent plus imprimer
de documents depuis la rentrée, faute d’encre, puisqu’on n’a pas pu en
commander suffisamment l’an dernier, vous pourrez très bientôt vous rendre au
sous-sol ou au secrétariat pour chercher vos impressions certifiées par le
nouveau service ‘développement durable’ créé par la présidence, après passage
du cabinet de conseils Planttature !
Deuxième
point de l’ordre du jour : les postes d’ATER[2]
et de contractuels. Nos problèmes budgétaires nous obligent à ne pas renouveler
l’an prochain les 2 contractuels enseignants, comme nos 3 ATER. On va perdre
aussi notre secrétaire d’UFR[3]
qui est contractuelle, vous le savez, et 4 autres BIATSS. On remplacera notre
secrétaire par une contractuelle à mi-temps mais les autres ne seront pas
remplacés. C’est un peu embêtant, mais ne vous inquiétez pas, c’est temporaire.
Ceci dit, cela pose une vraie question de fond : vaut-il mieux CDiser les
enseignants précaires, donc sauter par-dessus les procédures de qualification
et de concours ? Ou défendre le recrutement par concours au nom de
l’égalité des chances ? Personnellement, je suis pour le recrutement par
concours, parce qu’avec tous les candidats qu’il y a sur le marché, ce serait
dégueulasse et injuste… sans compter que si on se met à ne recruter que des
CDI, on met en danger le statut de fonctionnaire. Vous en dites quoi ? »
Marta Savapétay sait aussi, pour avoir été à
la dernière réunion syndicale, que le non renouvellement systématique des
contractuels au bout de deux ans est une façon de contourner la loi Sauvadet
censée permettre à ceux qui cumulent plus de 6 ans de contrats dans la fonction
publique d’être titularisés ou embauchés en CDI. Dans les faits, les
universités et les instituts de recherche craignent pour leurs finances et
préfèrent se
séparer des précaires bien avant les 6 ans afin qu’ils ne puissent justement
pas prétendre à la titularisation. Une belle arnaque encore, mais elle
préfère se taire, elle s’est déjà empoignée avec une partie des membres du
syndicat ce jour là.
« Moi
je suis pour les CDI, lâche Claudie Lapitie, une collègue historienne. Parce que sans ces gens là, et je ne compte
même pas les vacataires, la boutique ne tourne plus, que ce soit au niveau des
cours ou du personnel administratif et technique. Puis franchement, Ivan, tu
les croises tous les jours, tu manges avec eux, ils corrigent une partie de tes
copies, d’autres te servent tes repas au restau U, c’est des collègues ! Vas leur dire ‘il n’y a plus de place pour toi
parce que je dois défendre mon statut et les modalités du concours’, c’est
au-dessus de mes forces... Brutalement, Maurice Pacontan,
enseignant-chercheur en anthropologie, l’interrompt : - Claudie, faut pas rêver, on réduit l’emploi dans toute
la fonction publique et on commence toujours par les plus fragiles, les
précaires. Après, ça va être notre tour, les titulaires. L’université avant la LRU , c’était déjà pas tenable
vu qu’on est quatre fois moins dotés que les classes prépas et les grandes
écoles, je ne suis pas pour un retour à la situation d’avant, mais là c’est
n’importe quoi.
Ivan recadre la réunion : - Oui, merci Maurice... si vous voulez bien
on avance, car on est plusieurs à avoir cours à 16h00. Passons au troisième point de l’ordre du jour : vous le savez le nouveau
ministère va nous imposer de mettre une partie de nos enseignements sur support
numérique…
- C’est
bien gentil la mise en ligne des cours, mais moi je ne suis pas convaincue, déclare Marta. L’année où je l’ai fait, la qualité
d’ensemble des copies a beaucoup chuté. La pédagogie, ce n’est pas seulement
écrire un texte ! Rendre un cours vivant, c’est tout un art. Les
étudiants, surtout dans premières années, ne comprennent pas un cours en le
lisant ! Vous le savez bien, en cours, on passe notre temps à expliquer,
reformuler, à illustrer nos propos… Et on peut répondre à leurs
questions !
- Et
Ivan, tu peux nous dire comment ça va se passer en termes de droits de
propriété intellectuelle ? reprend Maurice avec nervosité. Parce que mon cours, c’est moi qui le fabrique. Si je le cède à
l’université, il pourra certes être transmis aux étudiants, mais aussi vendu à
une école privée qui viendra nous rejoindre dans la communauté d’universités et
qui pourra prétendre ainsi délivrer des diplômes universitaires, puisqu’ils
auront des cours d’enseignants-chercheurs dûment agréés via ces supports… ».
Ivan Duvand essaie de calmer les
esprits : « Allons, allons, on
n’en est pas là, voyons… Vous voyez toujours tout en noir ! Le Massive
Open Online Course c’est un point phare de l’innovation souhaitée par la
ministre, je ne trouve pas ça négatif. Je vous en prie, ne voyez pas le mal
partout, c’est juste un cap un peu technique à prendre en main ».
Maurice explose :
« Je ne sais pas ce qui me retient de te foutre mon
poing dans la gueule, ton e-learning là c’est la porte ouverte à la fin de notre
métier d’enseignant, tu ne vois pas que cela sert à dégager des profs ! Et
bonjour la réussite étudiante, tu crois vraiment qu’ils ont tous un PC à la
maison ou en cité U et surtout qu’ils savent lire et analyser des
documents de la même façon ! Comme si on ne connaissait pas les disparités de
niveaux dans la réception de nos cours, directement liées aux inégalités
sociales entre étudiants. Ivan, on réclame justement plus d’heures
d’encadrement présentiel pour tenter de lutter contre ça. Là, tu nous dis qu’on
va virer les jeunes collègues, c’est-à-dire qu’il y aura moins d’heures
assurées, et que l’on va mettre en place des trucs numériques fumeux.
C’est comme toujours, tu n’arrêtes pas de nous dire de faire ceci, cela, que
cela n’a aucune incidence… ou tu es un con fini ou tu nous manipules ! ». Ambiance. Une
réunion de département « normale », diraient certains. Depuis deux ou
trois ans la situation est de plus en plus tendue.
16 h07. La décision de ne plus recruter d’ATER ni de
contractuels est entérinée. Pour les enseignements en ligne, la discussion
reprendra la prochaine fois. Marta devra prévenir les cinq jeunes collègues
concernés par la suppression des postes, en espérant qu’ils puissent trouver du boulot ailleurs pour finir
leurs thèses. Elle revient dans son bureau, le téléphone sonne justement.
C’est Marc Sympa, le
compagnon de sa collègue de bureau, qui est en ligne, il ne va pas très
bien.
- Marc, je suis désolée que tu n’aies toujours pas obtenu
ta mutation. Après toutes ces années... Malheureusement, quand on est recruté
quelque part, on sait qu’on peut en prendre pour 20 ans. Rien n’est fait pour
la mobilité dans l’enseignement supérieur. Mais quand même, tu ne vas pas
démissionner ?
- Pfff… A la limite plein de gens, à la fac comme
ailleurs, font les trajets pour aller bosser dans une autre ville… Mais je n’en
peux plus de l’Université, surtout de la mienne, la grosse fac parisienne qui a
raflé idex, labex et tout le toutim. Ça
devient pire avec la mise en concurrence de tout le monde. Ça crée une mauvaise
ambiance : sur tout, ça intrigue pour les Primes d’Excellence,
ça bataille pour décrocher l’ANR qui permettra d’accrocher une étoile triple A
AERES[4],
sans compter les magouilles sur les doctorants, par exemple pour qu’ils ne
s’avisent pas de publier avec un concurrent sur « leur » sujet. Et
maintenant ils veulent qu’on s’auto-évalue, j’ai déjà des collègues qui ont
commencé, t’imagines ! J’en peux plus de tout ça, y a une ambiance insupportable.
Sans compter les injonctions bureaucratiques qui n’arrêtent pas de tomber et
qui sont contradictoires d’un mois sur l’autre. »
Marta acquiesce. Après d’innombrables réunions sur les
maquettes des formations de son département, elle ne supporte plus l’équation
de ces incessantes refontes et du jargon qui les accompagne (« Contrat
Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens », référentiel
de compétences). Quelle drôle d’obsession ont ces ministres de vouloir
former les étudiants en fonction des besoins du marché, alors qu’il n’y a pas de
boulot ! L’université est un bouc émissaire : si les jeunes ne
trouvent pas de travail, c’est toujours de la faute des facs ! Comme si
les réformes de l’université allaient créer les 3 000 000
d’emplois qui manquent. Elle achève sa conversation avec Marc et raccroche.
Elle a mal au ventre, elle ne sait pas si c’est la discussion, la dernière annonce
de suppression de postes dans son université ou la qualité du
sandwich acheté à la cafète. De toute façon se dit-elle, c’est déjà une société
privée qui gère la cafétéria. Et elle ne s’est pas gênée pour augmenter les
prix… Là, les autorités ministérielles finissent le boulot de destruction des
universités publiques. Effectivement, les 50 postes de fonctionnaires partant
en retraite non renouvelés auxquels s’ajoutent les 63, qui seraient nécessaires
d’après les syndicats pour que la fac puisse assurer à tous les personnels et
étudiants des conditions de travail et d’enseignement décentes, sont perdus
pour au moins 3 ans. Du conseil d’administration aux syndicats, à présent tout
le monde est d’accord sur ces chiffres. C’est ça aussi, la LRU ! Le ministère
peut annoncer des créations de postes autant qu’il veut, comme les
universités sont en déficit depuis que la masse salariale a été transférée aux
établissements dans le cadre de la soi-disant « autonomie », ils ne
peuvent pas créer les emplois. L’argent qui aurait permis d’embaucher sert en
fait à renflouer les caisses vides.
16h49, Marta va à la machine à café et rencontre Axel Soupaié,
un doctorant de 31 ans, qui délivre gratuitement 30 heures de TD chez eux.
Gratuitement, parce qu’il a plus de 28 ans, et qu’il faudrait qu’il justifie
d’un emploi de 900 heures ailleurs pour que la fac n’ait pas à cotiser pour sa
sécurité sociale. Il a seulement un boulot de gardien de nuit, dans des maisons
de retraite de la région, il faut bien qu’il vive car il n’a pas d’allocation
doctorale, mais ce n’est pas assez d’heures. Il a beau avoir pris le statut d’auto-entrepreneur
pour délivrer des cours, le service des ressources humaines de l’université n’a
rien voulu savoir. Et comme il lui faut montrer dans son CV qu’il enseigne,
s’il veut un jour prétendre franchir la porte du panthéon des
enseignants-chercheurs titulaires, il travaille gratuitement. Il dit souvent en
plaisantant : « moi au moins je
sais que je fais ça pour rien, pas comme les vacataires qui sont payés des mois
après, ou qui ne se font pas payer du tout en dépit de leur contrat. »
C’est vrai que depuis 2 ans, la présidence de leur université, face aux
problèmes budgétaires qu’elle rencontre, se sert de l’autonomie pour jouer avec
le droit du travail et éviter de payer ce qu’elle doit aux personnels
vacataires. Et elle est bien souvent mauvaise payeuse… la fac est actuellement
en procès devant le tribunal administratif avec trois anciens chargé de TD, qui
ont assuré chacun une cinquantaine d’heures d’enseignement, sans être
rémunérés, au motif qu’il y avait « des
failles dans leurs contrats ».
17h18. Marta est revenue
dans son bureau pour travailler à la réactualisation de son cours. Elle fait
une pause pour regarder ses mails. L’heure avance, et il lui faudrait encore
trois-quatre jours de travail pour préparer convenablement son cours. Elle
passe sa vie à courir derrière le temps. Ce qui la bouffe, ce sont avant tout les
réunions et le travail administratif exponentiels. Elle a été recrutée sur un
poste d’enseignante-chercheuse, mais elle n’a quasiment plus le temps de faire
de la recherche. Tant pis, elle continuera ce week-end, comme d’habitude. Marta
profite du calme des bureaux pour répondre par mail à un collègue favorable à
la sélection à l’université. Il n’est pas le seul à défendre cette idée, qui
lui rappelle la
loi Devaquet contre laquelle elle a manifesté quand elle était encore au
lycée. Aux yeux de son collègue, les étudiants issus des classes populaires souvent
sortis de baccalauréats professionnel ou technologique sont « mauvais » et inadaptés à
l’université. Non seulement ils échouent mais surtout ils plombent le niveau,
le métier et l’ambiance. Pour lui, fermer les portes des facs aux étudiants les
plus faibles, en fait les plus pauvres, c’est rendre service à tous les
bacheliers et étudiants. Il y a débat sur Internet, dans des revues, sur cette
affaire de sélection. Paul-Antoine Gryncheut écrit justement dans son mail : « Marta, arrête de faire l’idéaliste,
dans le contexte actuel, il n’y a pas le temps, pas les sous pour les étudiants
à la trajectoire scolaire fragile, qui vont finir à Pôle Emploi de toute façon !
L’important si on veut sauver la fac publique, c’est d’attirer les bons
étudiants, et pour ça, il faut redorer le blason de l’université, se rapprocher
des Grandes Ecoles. La première étape, c’est sélectionner à l’entrée. » Elle
lui répond rapidement : « Et
au-revoir le principe d’une université participant à l’élévation générale du
niveau d’instruction du pays, en particulier de ceux qui n’ont pas les
dispositions financières et culturelles à la réussite académique… ? ».
Marta Savapétay appuie sur la touche envoi, et
prend une large bouffée d’inspiration pour se calmer, maintenant elle veut
rentrer chez elle et s’envoyer un grand verre de vodka. C’est pas génial comme
méthode pour réguler les émotions liées aux dysfonctionnements rencontrés au
travail, mais elle préfère encore cela à prendre des cachets, comme le fait son
collègue Paul Anxieu. Lui, il devient progressivement dingue, il réactualise sa
page internet tous les jours, regarde celles de ses collègues depuis son smartphone en réunion, a perdu 6 kilos
depuis la dernière évaluation AERES. C’est la course aux publications et aux
contrats qui l’obsède. Il est persuadé d’être nul parce qu’absent des revues
dites prestigieuses… publish
and perish !
Il est 20 :04,
Marta Savapétay quitte la fac. Tiens, elle n’est pas la dernière, le bureau
d’Isabelle Lacharnai est encore éclairé au 3è… Isabelle est ingénieure de
recherche contractuelle. Une de celle à qui on ne renouvellera pas le contrat.
1 Bibliothèques, Ingénieurs, Administratifs, Techniciens,
Social, Santé